Échos du Bosphore, Istanbul (Turquie)
Workshop photo | juin 2025
Traversées
Isabelle Caubet
Istanbul est une ville foisonnante. Son centre attractif vit et bat de jour comme de nuit, de la place Taksim au pont de Galata, de Karaköy à Kadıköy, de la rive occidentale à la rive orientale, du marché de Fatih au Grand Bazar, sur les berges du Bosphore et de la Corne d’Or.
À l’approche de la fin de la semaine et particulièrement en ce week-end férié de l’Aïd el-Kébir, la ville enfle de façon saisissante. Les rues se gorgent de piétons, les passages souterrains sont des goulots d’étranglement où s’entasse un interminable flux humain, les ferrys du Bosphore déversent les vacanciers en marées humaines. Les touristes occidentaux se ruent à la mosquée Bleue. Les quais sont pris d’assaut pour admirer le coucher de soleil se refléter dans ses eaux bleutées. En soirée, les terrasses de café se remplissent, les rues sont encombrées de voitures à l’arrêt, les bus bondés, les boutiques n’ont plus d’horaires. Tout semble sous-dimensionné pour accueillir cette foule noctambule. La musique bat toute la nuit, descend dans les rues, jaillit des voitures, jusqu’au petit matin lorsque les couples retournent dans leurs quartiers lointains et remontent à pas lents les rues pentues, ruisselantes de l’eau qui les lave de la nuit.
La ville se conjugue au présent, de religion, de traditions et de modernité. Tout se mêle de façon évidente, dans une paix apparente, sous la surveillance de véhicules banalisés. Cet entrelacs de passions, c’est, à la tombée de la nuit, entendre à la fois la fête sur les rooftops et l’appel à la prière, c’est un chapelet égrené par un bad boy ultra-tatoué, ce sont les femmes sexualisées sans tabou qui côtoient les femmes voilées de noir, ce sont les rues parées de symboles nationalistes et parsemées de slogans progressistes. C’est tout et son contraire qui se côtoient et nous saisit, dans notre imagerie occidentale remplie de préjugés. C’est ce qui signe la singularité de la ville, son charme et son attrait.
Et aussi, à certaines heures de la journée, certains jours de la semaine, la ville s’apaise. Les esplanades sont désertées, rendues aux pigeons laissés enfin en paix, les étals des marchands sont recouverts de leur bâche, les chariots encore vides de leurs épis de maïs grillés. Les quelques pêcheurs du pont de Galata sont tout à leur aise pour lancer leurs lignes au plus loin. Des hommes, des femmes dorment à la mosquée. Tout juste quelques passants pressés se rendent au travail. La lumière douce, le vide et le silence transforment et révèlent les espaces. Dans ce dénuement éphémère, la ville montre un autre visage. Les lignes, les formes, les volumes apparaissent et se répondent. Un autre jour se lève sous mes yeux.