
LE CENTAURE DE LA PAMPA
Chos Malal, Province de Neuquén (Argentine) - Photos et texte : Jack Solle
C’est par la route 40, tracé mythique parcourant l’Argentine dans toute sa longueur, que je rejoins Chos Malal, bourgade de l’extrême-nord patagonien au coeur de la province de Neuquén. Ancienne capitale du Territorio del Neuquén jusqu’en 1904, la ville a depuis perdu de son importance. Aux alentours s’étend le Parc provincial du Tromen, du nom du volcan dominant la région.
À l’ombre du géant endormi qui culmine à près de 4000 mètres, le temps semble s’écouler plus lentement. Alors que de vastes horizons sauvages offrent une vue saisissante sur le fleuve qui sillonne la région, la Cordillère des Andes en toile de fond, je vais à la rencontre de Ceferino, gaucho de 46 ans, qui m’accueille chez lui pour partager un bout de sa vie de centaure de la Pampa.
Le gaucho est aujourd’hui l’un des symboles culturels les plus importants d’Argentine. Pourtant, à l’origine, ces anciens vagabonds solitaires qui vivaient en marge de la société étaient principalement considérés comme des voleurs de bétails ou des contrebandiers. C’est par la suite qu’ils sont devenus, souvent au prix de manipulations idéologiques, cet emblème légendaire de liberté et de courage, indissociable de l’histoire, parfois tragique, de son pays. Toute une part de l’identité argentine s’est ainsi construite autour de la figure romantique du gaucho, notamment à travers l’évocation de « l’homme argentin ».
À la fois incarnation d’une identité nationale et mythe construit autour de la sacralisation d’un sociotype autrefois méprisé, le gaucho traditionnel argentin doit aujourd’hui faire face à d’autres périls. Menacé par l’avancée conjointe du soja et de l’élevage intensif, ainsi que par l’exode rural des jeunes générations, son mode de vie est désormais en voie d’extinction.

































