Quand les images prennent corps


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Comment donner corps à nos images ?

Voilà une question qui ne cesse de nous intriguer par ici. Mieux encore : elle est devenue, au fil des années, la pierre angulaire de plusieurs formations que nous proposons. Pour tenter d’y répondre, quoi de mieux que de faire appel à vous ! Car en cette année 2025, nous avons été particulièrement gâtés.

Nombre de celles et ceux qui ont fait le choix de partager des moments à nos côtés, en ligne ou à l’autre bout du monde, nous ont confié leur désir de concrétiser un travail personnel, un souhait parfois déjà réalisé d'ailleurs. Donner forme à une série. Matérialiser un projet. Laisser enfin prendre corps à une envie photographique longtemps mûrie. Un dessein qui ne cesse de nous nourrir, et qui revient inlassablement.

Et ces derniers mois, ces intentions sont parfois devenues réalité. Nous avons ainsi reçu plusieurs de ces travaux, parfois directement dans la boîte aux lettres, parfois remis de main à la main. Des zines, des livres. Autant d’objets qui donnent à voir l’émergence d’une réflexion, la précision d’une approche, l’accomplissement d’une démarche, le dévoilement d'un regard.

Ce sont quatre de ces ouvrages que nous vous proposons de découvrir aujourd'hui : Traverser de Sanae Zaïdi, Going Down de Maxime Pronchery, Chérissons ces instants de Christian Taquet et enfin Traversées d'Isabelle Caubet. Chacune à leur manière, ces publications nous laissent à voir que la photographie est multiple, dense, infinie dans ses possibilités, “née entière” comme l’a dit John Szarkowki. Et jour après jour, comme un être vivant, ouvrage après ouvrage, elle se révèle à nous, par petites touches, dans la découverte que nous en faisons.

Traverser, de Sanae Zaïdi

On commence avec le travail de Sanae Zaïdi, Traverser. Dans ce projet, elle nous invite à franchir non seulement les espaces géographiques, mais aussi les frontières de la mémoire et de l’appartenance. Réalisé entre 2022 et 2023, ce premier chapitre d’un long travail sur le bassin méditerranéen explore l’exil, les identités et le territoire entre France et Maroc, entre Europe et Afrique.

Traverser de Sanae Zaïdi, livre photo

Le projet prend la forme d’un carnet où les images s’imposent, laissant également leur place aux mots. Les premières et dernières pages montrent les nombreux tampons sur le passeport, encadrant symboliquement cette action de traverser. Dans ce no man’s land maritime, le temps semble suspendu, entre attente et déjà-vu, frénésie et accalmie.

À travers ce travail, Sanae Zaïdi annonce certaines des réflexions développées par la suite dans notre mentorat avec son projet suivant (Arracher au cœur), où la photographie devient un geste pour faire corps avec ses territoires, ses souvenirs et ses identités. Chaque passage, chaque horizon esquissé devient un lieu de rencontre entre mémoire et présent, entre départ et retour.

Traverser de Sanae Zaïdi, livre photo

Chérissons ces instants, de Christian Taquet

L’ouvrage de Christian Taquet, que nous avons connu en octobre lors de la dernière édition de L'éloge de l'ombre (notre workshop dédié au noir et blanc dans les Cévennes), s'interroge sur l'émergence d'une mémoire des lieux. Dans ce projet, réalisé en 2017, il interpelle. "Chercher, retrouver, se souvenir, photographier sont des manières d'arrêter le temps à défaut de le remonter".

Chérissons ces instants de Christian Taquet, livre photo

À travers des allers-retours réguliers vers Caudry, le photographe engage une exploration intime de son territoire d’enfance. Ses photographies ne cherchent pas à documenter la ville telle qu’elle est, mais telle qu’elle persiste dans la mémoire : fragmentée, vacillante, parfois silencieuse. Les lieux photographiés — stades désertés, commerces fermés, équipements oubliés — deviennent les marqueurs d’un temps suspendu, chargé d’affects.

Chérissons ces instants de Christian Taquet, livre photo

Ce travail s’inscrit aussi dans une histoire familiale. La mémoire défaillante de sa mère accompagne et motive le geste photographique, donnant à chaque image la fonction fragile d’une tentative de sauvegarde. Photographier ces lieux revient alors à fixer ce qui s’efface, à retenir ce qui menace de disparaître.

Going Down, de Maxime Pronchery

Ce premier fanzine de Maxime Pronchery, qui intervient dans notre mentorat annuel pour parler narration et projets, défie les attentes du lecteur.

Comme souvent dans l’oeuvre du photographe (on se souvient par exemple de son travail sur Istanbul, déjà mis à l’honneur sur le blog), se succèdent des ruptures de rythme, des silences, parfois même des dissonances. Et pourtant, quand on laisse s’échapper la dernière image, on n’a qu’une envie, c’est de repartir pour un tour. Rien d’étonnant, car, de Chicago à La New Orleans, en passant par Memphis et Nashville, il nous invite ici à partager une vision éminemment personnelle de ces lieux mythiques, berceau du blues, du jazz et de toutes leurs arborescences.

Going Down, le premier fanzine de Maxime Pronchery.

On ressent une véritable vibration photographique, entre couleur et noir et blanc, et cette alternance de formats et médiums caractéristique chez Maxime. À travers son regard, apparaissent les esprits de légendaires musiciens ainsi que les fantômes d’un passé douloureux. Un travail qui imprègne la rétine et les méninges. Tout simplement bluffant.

Traversées, d’Isabelle Caubet

Enfin, Traversées d'Isabelle Caubet est né à la suite du workshop Échos du Bosphore à Istanbul auquel elle a participé en juin dernier. Lors de cette aventure d'une semaine, elle s'est inscrite dans une démarche à la croisée des chemins, proposant une vision apaisée, presque méditative de l'ancienne Byzance, où "la lumière douce, le vide et le silence transforment et révèlent les espaces".

Naviguant entre des teintes orangées et bleutées, la série est autant une réflexion sur la beauté des lignes qu’une ode à la puissance des couleurs. Istanbul, dans le viseur d’Isabelle, est une ville en devenir, jamais figée. Un sentiment d’attente se crée au fil des pages, des instants suspendus, éphémères, prennent vie. La série est à la fois épurée et plurielle, comme autant de traversées au fil des eaux et des ombres, entre les rives et les horizons, entre les cultures et les époques.

Traversées d'Isabelle Caubet, livre photo sur un workshop photo de Préludes à Istanbul

Enfin, le format carré du livre, à la taille modeste, traduit à la fois la rigueur dans le regard de la photographe, qui nous laisse à voir de nombreuses compositions tirées au cordeau, tout en nous invitant à un parcours intime et privilégié des lieux. La série entière est à découvrir ici.

Ces quatre publications sont un véritable cadeau de Noël avant l’heure. Merci aux photographes qui nous ont fait confiance pour les accompagner et qui nous rappellent, une fois encore, que la photographie est un acte à la fois intime et universel, fait pour circuler, se transmettre et se partager.

Jack Solle

Co-fondateur de Préludes Photo, la photographie est pour moi un mode de vie, un langage fait pour raconter des histoires sur le monde. Cette passion qui est devenue mon métier, je tâche de la transmettre à travers les différentes formations auxquelles je participe.


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