Ferveur Gitane 2025 | édition n°3

De lumière et de chair
Alexandre Ehrhard-Kieffer

Quand je me suis rendu aux Saintes-Maries-de-la-Mer pour documenter le pèlerinage gitan, je n’étais pas uniquement guidé par l’envie de capturer un événement religieux. Mon objectif était plus intime, plus humain : je voulais photographier la fraternité. Celle qui se voit dans les gestes, celle qui passe par les corps, les regards, les contacts. Celle qu’on ressent autant qu’on la voit.

J’ai choisi de raconter cette histoire à travers les bras, les mains, les étreintes, les accolades. Très vite, je me suis laissé porter par le rythme de la foule, par cette énergie collective qui déborde de chaque instant. C’est dans ces mouvements que j’ai trouvé la matière du reportage : les bras levés dans l’église, les mains qui se rejoignent autour des cierges, les enfants hissés au-dessus de la foule, les accolades entre amis, entre frères.

À chaque coin de rue, une nouvelle scène de partage. Une musique improvisée, des rires, des chants, des corps en mouvement. Il y avait dans l’air quelque chose de suspendu, d’intense et de tendre à la fois. La ferveur, bien sûr, mais aussi une immense humanité. Une chaleur brute et sincère. On venait toucher une statue, mais on finissait par se toucher les uns les autres, se retrouver, se reconnaître.

Photographier ce pèlerinage, c’était capter l’élan du cœur. Il n’y avait pas de mise en scène, pas de discours à suivre. Juste des instants pris sur le vif, des gestes spontanés. J’ai vu des regards se croiser et s’illuminer, des épaules se frôler sans se heurter, des mains anonymes se tendre sans attendre de retour. J’ai vu des croyants, mais surtout j’ai vu des humains profondément reliés.

Ce travail m’a transformé. Il m’a rappelé que la fraternité n’est pas un concept lointain. Elle est là, dans nos gestes quotidiens, dans notre manière d’être présents aux autres. Dans un monde souvent crispé, ce pèlerinage est une grande respiration. Une démonstration collective que l’on peut vibrer ensemble, croire ensemble, aimer ensemble.

À travers ces images, j’ai voulu traduire cette émotion, ce souffle commun. Le reportage ne montre pas seulement un rituel, il raconte un lien : celui qui unit les hommes dans leur diversité, dans leur foi, dans leur besoin de se rapprocher. C’est un hommage à ces gestes de tendresse et de confiance, à ces élans d’amour qui traversent la foule comme une onde douce et puissante.

Suivant
Suivant

Les routes gitanes | Marion Rayet